_Kieran. 

Assis près d’elle, ma main dans la sienne, je la regarde lutter contre l’envie de hurler de douleur. Je vois dans ses yeux l’inconfort qui y règne et je donnerais n’importe quoi pour être à sa place. Les larmes embrument la couleur de ses yeux et elle souffle pour faire passer les contractions qui subsistent encore et encore. 

- Tout ça c’est de ta faute…

Les larmes coulent le long de ses joues et je tente de ne pas sourire à sa remarque, de peur de l’énerver plus encore, je sais qu’elle ne le pense pas une seconde, que la douleur parle pour elle, alors je passe doucement ma main sur sa pommette inondée d’eau salée. 

- Je t’aime mon soleil, c’est bientôt fini !

Un sourire furtif passe sur sa bouche avant d’être effacé par une grimace de souffrance. Les heures défilent lentement, et arrive enfin le moment tant attendu, à peine le temps de dire « soleil » qu’elle avait donné naissance à notre enfant. Notre petit Jayden a rejoint notre vie pour notre plus grand bonheur. Je n’ai pas honte de laisser mes larmes couler en voyant les deux personnes les plus importantes de ma vie près de moi. 

- Je t’aime Kieran, merci !

- Je t’aime aussi Soleil !

Pendant la nuit, alors qu’elle récupérait de ses efforts, j’étais penché sur le berceau de mon fils à le contempler dormir, il était un parfait mélange de nous deux. Sa petite bouche charnue et toute rose, ses yeux clairs et ses cheveux noir de jais, ses petites pommettes joufflues. Je ne me lassais pas de ce spectacle.

Je n’étais pas vraiment prêt à devenir père, mais c’est comme si j’étais déjà destiné à tenir ce petit être dans mes bras, je n’étais pas mal à l’aise et je me sentais comblé. 

- Que fais-tu ?

La voix enrouée de Soléa m’a sortie de ma contemplation. 

- Je regarde la deuxième merveille du monde ! 

Comme s’ils étaient reliés, Jayden s’est mis à chouiner, je l’ai sorti de son petit lit pour le ramener à Soléa.

- Il est tellement beau, tu es tellement belle ! Je me sens si heureux, tu n’imagines même pas. 

- Je crois que j’ai une petite idée ! 

J’ai déposé un baiser sur ses lèvres, et tous les trois, ensemble, nous étions une nouvelle famille. Une famille que je rendrais heureuse en tout temps et qui me rendrait l’appareil quoi qu’il arrive. 

Après quelques jours nous sommes enfin rentrés chez nous. Bras dessus, bras dessous, un nouveau départ devant nous, le sourire aux lèvres. À peine nous étions dans la petite allée qu’une voix nous a interpellées. 

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- Hey Jones !

La voix était rauque, mais elle me rappelait quelqu’un. Comme un réflexe, je me suis retournée en même temps que Kieran. 

Devant nous, la mine ternie, le regard abattu, se tenait Irvin. Cela faisait des mois que je n’avais plus eu de nouvelles de lui, plus depuis qu’il m’avait renvoyé de l’appartement. 

- Rentre avec le petit, ai-je dit à Kieran.

Son regard soutenant le mien pour savoir si ça allait, je lui ai fait un signe de tête pour acquiescer et il a continué à remonter le passage en pierres jusqu’à la porte.

- Qu’est-ce que tu fais là, Irvin ?

- Quoi ? Tu n’es pas heureuse de me voir ?

- Tu n’as pas l’air dans ton assiette…

- Tu crois ? C’était donc ça, tu t’es encore tapé ton demi-frère… tu n’es vraiment qu’une pute.

J’ai sursauté en écoutant ses paroles.

- Écoute Irvin…

- J’ai déjà essayé de vous séparer par le passé, ton beau-père avait l’air d’apprécier autant que moi, le fait que son fils te baise comme une traînée…

J’étais bouche bée, comment j’avais pu passer à côté de ça, comment Irvin avait fait pour jouer ce double jeu tout ce temps ?

- C’était toi ?

- Oh Soléa, bien sûr que c’était moi. Je connaissais les secrets de la maison bleue, il suffisait de vous regarder tous les deux pour comprendre, tout le monde était trop occupé pour faire la différence, mais moi pas. Je te voulais Soléa et il a fallu que tu baises ce minable, ton propre demi-frère.

- Tu sais très bien que lui et moi n’avons aucun lien de parenté.

- Je m’en fous, vous étiez de la même famille et ce cher Sam était bien de mon avis, dommage qu’il soit mort, il aurait pu vous tenir éloignés encore quelques années.

Le chagrin remontait dans ma gorge comme une boule de lave brûlante. J’avais envie de vomir tant les aveux d’Irvin étaient immondes. J’étais paralysée, incapable de parler, il se rapprochait doucement de moi et machinalement, je reculais.

- Tu ne dois pas avoir peur de moi, Soléa. Je ne te ferais jamais de mal…

- Tu…

- Bon, c’est vrai, j’ai déjà essayé de tuer l’autre connard, mais il est robuste, on dirait bien !

- Qu’est-ce que… ? C’est toi qui lui as coupé la priorité ?

- J’avoue, ça manquait un peu de créativité, mais j’ai été impulsif…

- Bon sang, Irvin, mais qu’est-ce qu’il t’arrive, ce n’est pas toi…

- Je t’aime Soléa, et si je ne peux pas t’avoir, alors ni lui, ni aucun autre ne pourra t’avoir.

J’ai commencé à avoir vraiment peur de la tournure des évènements, je continuais à reculer, tandis qu’il avençait vers moi. La lueur folle dans ses yeux ne ressemblait en rien au Irvin que je connaissais, il était différent, il était fou à lier. 

- Je vais te tuer, puis je tuerais ton demi-frère et ensuite…

- Non, pitié, Irvin, tu ne peux pas faire ça…

- Et ensuite, Soléa, tonton Irvin, élèvera votre rejeton… ou je pourrais le vendre au marché noir, ça rapporte gros ces trucs-là !

Les larmes ont jailli de mes yeux, il pouvait me menacer ou menacer Kieran, mais parler comme ça de mon fils m’affectait bien plus, je suffoquais à l’idée qu’il lui fasse du mal. 

- Je t’en prie Irvin, tu ne sais pas ce que tu dis, laisse…

Ma phrase est restée en suspens dans les airs, quand il a sorti un flingue de l’arrière de son jean. En une fraction de seconde, il était pointé vers moi.

- Pitié…

Le regard vide d’expression, j’ai compris que personne n’arriverait à le raisonner, il était complètement perdu, et mon sort ainsi que celui de mes deux hommes était scellé. J’ai fermé les yeux et j’ai juste entendu une déflagration retentir, mon heure était arrivée. Je ne ressentais ni douleur, ni mal-être, j’ai ouvert les yeux et vu Kieran devant moi.

Malgré la couleur sombre de son vêtement, je distinguais la couleur et la texture vive du sang qui se propageait dans les mailles du tissu. C’est comme si toute la scène se passait au ralenti devant mes yeux. 

- Bon, finalement, je te tuerais après lui, peu importe.

La main de Kieran m’a projeté violemment dans la maison avant qu'une seconde déflagration résonne et qu'il s’effondre à genoux. Ses yeux rivés sur le sac qu’il avait jeté en rentrant de mission et qu’il avait promis de ranger plus tard, mais qui n’avait pas bougé. 

Du sang commençait à poindre au bord de sa lèvre et Irvin marchait lentement vers Kieran pour faire monter l’angoisse. 

Je me suis glissée jusqu’au sac et en l’ouvrant, j’y ai découvert une arme à feu, je n’en avais jamais vu d’aussi près avant aujourd’hui. Je l’ai saisi d’une main et ça pesait son poids mine de rien… je ne suis pas restée à me faire plus de réflexion et l’ai fait glisser à Kieran.

Je ne sais pas comment il a réussi ça, mais en un instant, il était sur le dos, l’arme levée vers Irvin et il a tiré, une seule et unique fois, le touchant entre les deux yeux. 

J’ai sorti le portable de la poche arrière de mon pantalon pour avertir les secours et j’ai rampé jusqu’à ma moitié, allongée sur le sol.

- Je t’en supplie, accroche toi, Kieran, les secours arrivent. Tu ne peux pas me laisser, tu ne peux pas laisser ton fils grandir sans toi, je te l’interdis, tu m’entends.

Il n’essayait même pas de parler, il plongeait juste son regard vert perçant dans le mien, j’y voyais tout l’amour qu’il avait pour moi, qu’il avait pour notre enfant et j’y voyais son envie de ne jamais abandonner, ni aujourd’hui, ni aucun autre jour.

J’appuyais sur ses blessures de toutes mes forces, afin de le garder avec moi et lorsque les sirènes des ambulances se sont fait entendre non loin de nous, ses yeux ont commencés à doucement se fermer, mon premier réflexe a été de lui mettre une gifle, il était hors de question que je le laisse mourir entre mes bras.