• Seulement trois mots.

    - Il est mort.

    Ce sont ces trois mots que j’ai entendus en décrochant mon téléphone au beau milieu de la nuit. J’ai reconnu la voix de ma mère. Qu’est-ce qu’elle racontait ?

    - Qu’est-ce que tu dis maman ?

    Elle s’est mise à sangloter, au bout du fil, avant de me répondre, sa peine m’avait instantanément réveillée.

    - C’est Sam, il… il vient de nous quitter, Soléa…

    La véracité de ses mots me heurtait de plein fouet. Sam ? Mais il allait bien à notre dernier coup de fil.

    - Je… Je suis désolée maman.

    - Je crois que je n’arriverais pas à m’en remettre Soléa, pas encore une fois…

    Je pouvais comprendre sa peine, c’était le second mari qu’elle mettait en terre. J’ai sauté hors du lit, il fallait que je prépare les valises et que je la rejoigne au plus vite.

    Chapitre 1

    - J’arrive maman, ne t’inquiète pas.

    J’ai bouclé les sacs, fermée le gaz et nous avons pris la route. Une petite heure me séparait du domaine familial, elle serait vite engloutie. J’étais anxieuse, Irvin le sentait et n’osait pas me parler, le trajet s’est fait en silence.

    En me garant, l’angoisse me prenait aux tripes, la chair de poule m’envahissait jusqu’à me faire frissonner, je revenais régulièrement ici, mais aujourd’hui, c’était différent et j’avais peur.

    - Ça va aller ma chérie ?

    - Ça ira, ne t’inquiète pas. 

    Il a embrassé ma joue avant de sortir et d’ouvrir à Némésis, la chienne était contente de retrouver la terre ferme. Je commençais à devenir paranoïaque à regarder un peu partout. Ma mère nous a ouverts et nous a laissé entrer avant de me prendre dans ses bras.

    - Merci ma puce, je suis désolée de t’avoir réveillé en pleine nuit.

    - Maman, ne raconte pas de bêtises… c’est moi qui suis désolée pour toi… Sam était comme un père pour moi.

    Chapitre 1

    Elle s’est mise à pleurer dans mes bras, avant de se reprendre et de saluer Irvin. Nous l’avons suivi dans la cuisine. Elle avait préparé du café et j’en avais grandement besoin après les heures de sommeil en stock que j’avais, c’est-à-dire, très peu ! Irvin baillait aux corneilles à côté de moi.

    - Tu peux aller te reposer, tu sais, je viendrais te rejoindre un peu plus tard.

    Il s’est excusé, comme le gentleman qu’il était puis est parti à la recherche de la chambre que ma mère nous attribuait lors de nos visites, parce que « c’est inconcevable que je laisse dormir un couple dans une chambre d’adolescent ». J’aimais quand même monter m’asseoir sur mon lit de temps en temps et me remémorer ces fameuses années. Je ressortais bien vite quand mes pensées divaguaient vers de noirs souvenirs.

    - Une crise cardiaque, tu te rends compte, il vivait sainement et il a eu une crise cardiaque…

    - Il vivait à mille à l’heure aussi maman… 

    - Et je ne sais pas si le pire dans tout ça, c’est le fait que Kieran ne sera probablement pas aux obsèques de son père.

    Chapitre 1

    Elle avait prononcé son prénom, Kieran, ça faisait des années qu’on ne parlait plus de lui. Comme s’il était un fantôme du passé que personne n’osait n’exhumer. Je me suis sentie soulagée, c’était mal et pourtant je me sentais mieux. Je tentais de répondre normalement.

    - Ah bon ? Pourquoi tu dis ça ?

    - Oui, tu sais, ils n’étaient plus en très bon terme tous les deux et quand je l’ai appelé, il a raccroché après avoir entendu la nouvelle… ça me fait de la peine pour ce pauvre garçon, heureusement Samuel ne sera pas là pour voir ça…

    Elle a dû se rendre compte de ce qu’elle venait de dire, car elle s’est remise à pleurer, elle était affaiblie par le chagrin. 

    - Tu devrais aller te reposer maman.

    - Je ne peux pas, je dois avoir la visite du fleuriste et du prêtre et…

    - Je vais m’occuper de tout ça d’accord.

    - Je te remercie ma chérie, tout est là.

    Chapitre 1

    Elle me montrait du doigt un dossier, sûrement tout ce qu’elle avait prévu et qu’elle n’avait plus qu’à valider avec les membres concernés, puis elle a disparu dans le couloir. 

    Je me suis assise sur le canapé, très peu de chose avaient changés depuis toutes ses années, quelques bibelots par-ci par-là, mais la maison restait telle quelle. Némésis dormait à mes pieds, un coup d’œil par la fenêtre, l’automne était bien installé et il s’était mis à pleuvoir, les gouttes qui tombaient sur la piscine créaient des oscillations sur l'eau.

    Ma chienne s’est levée d’un mouvement vif pour courir dans l’entrée, elle s’est mise à grogner et aboyer, ce qui n’arrivait pas très souvent.

    - Quelqu’un pourrait rappeler le chien de garde ?

    Je pensais rêver, ce timbre de voix, il me semblait si familier et pourtant si mature, j’ai doucement avancé vers l’entrée, ma fidèle compagne montrait les crocs et devant elle, trempé comme une souche, un amas de muscles aux cheveux noirs. Son visage semblait avoir vécu mille souffrances, mais c’était bien lui en chair et en os, Kieran.

    - Némésis au pied.

    Chapitre 1

    Elle s’est calmée pour revenir près de moi, j’étais perdue, je ne savais pas quoi dire, ni quoi faire, ça faisait presque dix ans qu’on ne s’était pas revus. Dix longues années et il était toujours aussi électrisant, jusqu’à ce qu’il ouvre la bouche.

    - Tel maître, tel chien à ce qu’on dit !! 

    Il ne manquait pas de culot, quel goujat. J’avais passé l’âge de lancer des vannes stupides, je décidais d’agir en adulte, ce qu’il ne savait toujours pas faire visiblement.

    - Bonjour à toi aussi Kieran !

    J’ai sifflé Némésis et je suis retournée en cuisine, malgré les températures actuelles, il avait réussi à faire montrer la mienne. Il était si énervant. Il n’avait vraiment pas changé. 

    - Je vois que tu as perdu ton humour ! Bonjour soeurette !

    Kieran m’avait rejoint, et l’accent qu’il avait mis sur son « soeurette » sonnait particulièrement, faux. Tout ça dans le seul et unique but de m’énerver, car il sait à quel point je déteste qu’il m’appelle comme ça. 

    Chapitre 1

    - Je vais aller me reposer, j’ai fait un long voyage et je suis fatigué.

    - Je ne pense pas que ma mère ait prévu de faire ton lit, elle pensait que tu ne viendrais pas… tu lui as raccroché au nez.

    - J’étais sous le choc, mais comme tu vois, je suis là…

    - Je suis désolée pour ton père...

    Je n’avais aucune envie de l’aider, mais je ne savais pas d’où il venait, peut-être de l’autre bout du monde, sa mine fatiguée et les récents évènements m’ont poussé à me montrer indulgente.

    - Je vais préparer ta chambre.

    J’ai pris des draps dans la buanderie avant de monter dans l’ancienne chambre de Kieran, il me suivait et Némésis n’était pas loin derrière. Comme je le pensais, son lit était défait. Cette chambre renfermait encore beaucoup trop de douloureux souvenirs, je préférais me concentrer sur ma tâche. 

    - C’est bizarre que cette chambre soit restée presque en l’état, je pensais qu’il en avait fait un bureau. 

    Chapitre 1

    Je ne savais pas quoi lui répondre, alors je n’ai rien dit. Il m’observait faire son lit, un regard songeur.

    - Ne m’aide pas surtout.

    - Bien, si tu le demandes !

    J’ai levé les yeux au ciel. Il s’est accroupi pour caresser Némésis, mais elle lui montrait les crocs, c’était vraiment drôle, parce qu’elle ne faisait jamais ça, c’était une chienne très sociable qui adorait tout le monde. 

    - Vilaine fille ! Tu finiras par succomber !! 

    Je riais intérieurement qu’il parle ainsi au chien. J’avais fini et quand je me suis relevée, il avait quitté son t-shirt, son torse tatoué cachait des cicatrices, je l’ai examiné un instant avant de revenir à moi, je perdais les pédales.

    - Merci Soléa. 

    Son sourire n’avait rien d’amical, il était en train de sourire parce que je m’étais perdue en chemin, mais il pouvait toujours courir, s’il pensait que je pourrais retomber dans mes travers. J’ai appelé la chienne et je suis sortie. Ce type était toujours un abruti. 


     

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  • Arrivée en bas, on sonnait justement à la porte. Le fleuriste et le prête s’étaient donnés rendez-vous à la même heure, voilà qui arrangeait mes affaires, je pourrais vite retrouver mon lit et mon homme. 

    Tout cela m’a quand même pris une bonne heure et demi, je ne pensais pas que ce serait si long, ils m’avaient totalement lessivés, un verre d’eau et je pourrais rejoindre Irvin. L’escalier qui grinçait à chaque pas m’a fait lever les yeux.

    - Déjà debout ?

    - Comme tu vois.

    Je n’ai rien ajouté de plus et je suis allée chercher mon eau. Je posais mon verre dans l’évier, Kieran se servait dans le frigo.

    - J’ai une petite faim maintenant ! 

    - Fais comme chez toi ! Je vais me coucher ! 

    - Si tu as besoin que je te borde, fais-moi signe, petite sœur !

    - Certainement pas ! 

    Chapitre 2

    Il a rigolé d’un rire gras. J’ai levé les yeux au ciel pour la énième fois. Némésis sur mes talons, et j’ai rejoint ma chambre. Je me suis glissée près d’Irvin et il s’est réveillé.

    - Désolée, je ne voulais pas te réveiller.

    - Ce n’est pas grave, tu en as mis du temps, bella. 

    - Il y avait le fleuriste et le prête, ça m’a pris du temps, j’ai envoyé ma mère se reposer. Puis Kieran est arrivé aussi… ma mère pensait qu’il ne viendrait pas, j’ai dû m’occuper de faire sa chambre.

    - Vraiment ? Il a quel âge déjà ? 

    - Il est fatigué et vient de perdre son père, Irvin… 

    Il n’était pas en train de me faire une crise de jalousie ? C’était mal venu de sa part. 

    - Tu as raison, excuse-moi, je suis fatigué, tu me connais !

    Chapitre 2

    Je l’ai embrassé, ses lèvres étaient dominatrices comme s’il essayait de me rappeler que j’étais à lui, cela m’a paru étrange, puis je me suis retournée pour dormir. Les bras d’Irvin autour de moi. 

    Ce sont les grognements de Némésis qui nous ont réveillés. Il était presque dix-neuf heures, nous sommes sortis et la chienne est partie en courant dans la cuisine. Encore ensommeillée, je l’ai suivi, Irvin se levait tout juste. Ma mère et Kieran étaient assis autour d’une tasse de café, j’allais les rejoindre quand mon compagnon m’a retenu en embrassant mon cou, je me suis raidie, j’étais complètement gênée, qu’il fasse ça devant ma mère et aussi devant Kieran. Puis il s’est approché de ce dernier pour lui serrer la main, le regard de Kieran semblait noir.

    - Je te présente Irvin, je ne sais pas si tu te souviens de lui, il était gothique au lycée !

    - Je m’en rappelle. 

    Chapitre 2

    Il s’est levé et a jeté son café dans l’évier avant de quitter la cuisine comme s’il avait le feu au cul. Je sentais que ça allait être compliqué cette cohabitation de quelques jours. J’ai sorti du frigo des plats qui avaient généreusement était fait par les amis de nos parents, même si je n’avais pas très faim et que ma mère non plus, il fallait que l’on reprenne des forces. 

    Irvin est parti se coucher avant nous, j’ai envoyé ma mère au lit peu de temps après et moi, je savais que je n’arriverais pas à trouver le sommeil tout de suite alors je suis restée dans le salon, j’ai allumé la télé. J’étais sûre que Kieran allait descendre avant même de le voir dans le salon, Némésis était un vrai détecteur.

    - Tu ne dors pas ? 

    - Toi non plus ! Il y a des restes au frigo si tu as faim.

    - Merci maman !

    Il est revenu de la cuisine avec une assiette et s’est assis à côté de moi. Je ne savais pas quoi lui dire, ça faisait dix ans qu’il avait disparu de l'univers et de cette famille, pourtant j’aurais tant voulu savoir ce qu’il avait fait, ce qu’il avait traversé, cela devait être passionnant pour m’avoir abandonné lâchement. Une pointe de colère m’a envahi, je me suis levée et j’ai regagné ma chambre sans un mot de plus pour lui. 

    J’étais la première debout, c’était aujourd’hui qu’on lui ferait nos derniers adieu. Pendant que Némésis était dehors à profiter du jardin, je me suis mise en tête de faire le café pour tout le monde, nous en aurions bien besoin. 

    - Salut !

    Chapitre 2

    J’ai sursauté, renversant de l’eau partout, le traître était derrière moi, vêtu d’un simple et unique caleçon. Mon palpitant faisait des siennes, je ne savais plus si c’était la peur qu’il m’avait instauré ou simplement la peur de me retrouver si près de lui.

    - Bon sang Kieran, j’ai failli faire une attaque. Et tu ne peux pas t’habiller, tu n’es pas tout seul ici.

    - Qui ça va emmerder que je me balade en calbut chez moi ? Ton petit-ami ou toi ?

    Dans un élan de fureur, je lui ai balancé le reste d’eau au visage avant de sortir de cette cuisine.

    - Au moins tu as toujours du caractère !

    - Va te faire foutre.

    Une bonne douche et ça irait mieux, sous le jet d’eau, les yeux fermés, j’essayé de m’évader d’ici, mais les seules images que mon esprit tordu m’autorisait à voir, c’était Kieran en caleçon devant moi. Et le scénario suivant était fourni avec. Je le voyais m’embrasser impétueusement, m’attraper pour me poser sur le plan de travail et parcourir tout mon corps avec sa langue. J’ai vite ouvert les yeux et je me suis habillée. 

    La cérémonie s’est passée dans les larmes et le désespoir. Il ne restait plus que nous trois devant le cercueil de Samuel, je voulais passer ma main dans celle de Kieran, mais j’avais trop peur, pourtant, je voulais être là pour lui, je savais que trop bien la douleur que c’était que d’enterrer son père, alors j’ai consolé ma mère. 

    Chapitre 2

    Irvin nous attendait à la maison, je me suis installée à ses côtés sur le canapé et Kieran et ma mère sont allés en direction de la cuisine. On pouvait les entendre parler.

    - Demain matin je serais partie avant l’aube Alice.

    - Déjà ? Mais tu viens à peine d’arriver.

    - Je sais… mais j’ai des choses à faire. 

    - Comme tu veux mon grand.  

    Ma mère se retrouverait toute seule, ça me fendait le cœur, je ne pouvais pas la laisser, pas dans cet état en tout cas.

    - Tu as entendu, Kieran part demain matin, je ne peux pas laisser ma mère.

    - Tu veux que je rentre sans toi ?

    - Une petite semaine, tu survivras non ? 

    - Et ta boutique ? 

    - Lisa s’en sortira très bien toute seule… 

    - Comme tu veux chérie. 

    Chapitre 2

    Je lui souriais avant de l’embrasser. Irvin pouvait être si compréhensif, après des années à avoir été simplement mon ami, un jour, j’ai décidé de sauter le pas. Cela ne faisait qu’un an et demi que nous étions ensemble, mais ça roulait, il était gentil et attentionné, tout ce dont j’avais besoin, ni plus, ni moins.

    Le lendemain matin, Irvin m’a embrassé avant de partir, me faisant promettre de l’appeler tous les soirs. Je n’arrivais plus à dormir alors je me suis levée. La pluie faisait toujours rage dehors, ce temps me provoquait un léger frisson. La maison était déserte et je me sentais moins stressé de savoir Kieran de nouveau loin de moi. Némésis, toujours collée à mes baskets, commençait à grogner, le regard perdu dehors, et seule, je lui parlais.

    - Tu peux arrêter ça Ném’, le grand méchant loup a quitté la forêt ce matin, on ne le reverra probablement jamais plus.

    Elle a arrêté de grogner, comme si elle avait compris ce que je disais puis elle s’est recouchée. Deux bras ont entouré mon corps, m’enveloppant d’une douce chaleur agréable et sa voix grave chuchotait à mon oreille.

    - Fais attention à toi, petit chaperon rouge, car il semblerait que le grand méchant loup soit toujours dans la forêt et qu’en plus de ça, il soit affamé.

    Chapitre 2

    Il a relâché son étreinte, une phrase et il m’avait complètement transporté ailleurs, j’étais de nouveau la petite Soléa de dix-sept ans et demi, assurément sous le charme de son demi-frère.

    - Charmant est rentré au palais ?

    - Et toi qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne devais pas partir ?

    - Finalement, non. Et je me suis dit que je pouvais rester ici quelques jours. 

    - Bien, alors reste loin de moi Kieran.

    Je l’ai poussé pour sortir de ce traquenard et me réfugier dans ma chambre. Je sentais mes jambes trembler, mon cœur s’affoler et mon entre-jambe papillonner. Je n’avais pas besoin de ça au tableau, j’étais une fille rangée maintenant. Kieran n’avait pas le droit de faire de moi un objet quelconque qu’il pouvait manipuler à sa guise. Je l’entendais encore du salon me répondre.

    - Mais certainement, mon soleil. 

    Quel petit connard il faisait. 


     

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  • Kieran s’était enfermé dans sa chambre depuis ce matin et ce n’était pas pour me déplaire. Pour une fois, qu’il faisait ce qu’on lui demandait. C’était sans compter sur la gentillesse de ma mère.

    Kieran n’est pas venu manger de la journée, apporte lui une assiette mon ange.

    - Maman, il est assez grand…

    Soléa, il a perdu son père et je crois que tu es la plus à même de comprendre ce que ça fait. Et puis vous étiez complices fût un temps…

    - Bien, comme tu veux.

    J’ai obéi à ma mère, sans broncher. C’était vraiment le comble, c’est moi qui lui disais de garder ses distances et c’est moi qui venais vers lui. J’ai toqué à sa porte, mais pas de réponse.

    - C’est Soléa… je peux entrer ?

    - Ça dépend, qu’est-ce que tu veux ?

    - Je t’apporte à manger.

    Chapitre 3

    Il m’a ouvert et je suis entrée. J’ai posé l’assiette sur la petite table et j’allais ressortir.

    - Reste, s’il te plaît, je me sens seul.

    Pourquoi fallait-il que je sois si charitable, ses yeux de cocker me faisaient culpabiliser. Je me suis assise sur le canapé. Il n’a rien dit pendant qu’il mangeait son plat, je ne me sentais pas du tout dans mon élément. J’ai eu envie de casser ce silence gênant.

    - Alors, qu’as-tu fait ces dix dernières années ?

    - Cela t’intéresse vraiment ?

    - Pourquoi je poserais la question sinon ?

    - Pour faire la causette.

    Ce qu’il pouvait être pénible. Être loin de la ville l’avait rendu encore plus sauvage.

    - Tu n’es jamais revenu, donc je suppose que c’était bien ce que tu faisais.

    - Je ne suis jamais revenu parce que je ne voulais pas voir mon père…

    - Mais tu aurais pu vouloir me voir, moi.

    Chapitre 3

    Ça y est, j’y venais doucement, mais sûrement.

    - Je t’ai attendu, longtemps…

    Les larmes me montaient aux yeux, je préférais quitter l’endroit que de pleurer devant lui. Surtout quand sa réponse manquait de m’achever.

    - Et bien, tu n’aurais pas dû.

    J’ai claqué la porte si violemment que s’en faisait trembler les murs. Comment pouvait-il être si méprisable ? C’est lui qui n’est jamais revenu, lui qui a brisé ce qui nous unissait. L’orage grondait dehors, le temps était aussi emporté que moi. J’avais besoin de sortir d’ici, de prendre l’air. J’ai mis un pied dehors et j’étais déjà imbibée d’eau, je me rapprochais peu à peu de la plage. L’océan était déchaîné, les vagues étaient nombreuses et dangereuses. Je me suis accroupie, je pleurais.

    J’étais en colère, contre Samuel, s’il n’était pas mort, je ne serais pas là en train de revivre les démons de mon passé. J’étais en colère contre mon père, s’il était resté avec nous au lieu d’aller dans des pays dangereux, je n’aurais jamais eu à connaître cette famille. Et surtout, j’étais en colère contre Kieran.

    - Qu’est-ce que tu fais ? Tu vas attraper la mort.

    Chapitre 3

    Sa présence soudaine à côté de moi m’avait fait discrètement tressauter. Je tournais la tête pour qu’il ne voie pas mes larmes, mais il était borné, il a agrippé mon bras pour m’obliger à me relever et à le regarder.

    - Laisse-moi Kieran

    - Viens, je te ramène à l’intérieur, tu es complètement trempée.

    - Laisse-moi, je te dis, c’est ce que tu sais faire de mieux.

    Ses yeux étaient soudains mélancoliques, je l’avais blessée, mais je ne faisais que dire la vérité, dire ce que je ressentais. Le tonnerre s’est mis à faire des siennes, dicter par ma peur, mon corps a bondi s’accrochant à la veste de Kieran, un délicat sourire sur ses lèvres. Lèvres qui m’avaient tant donné il y a dix ans, commandée, plus par ma stupidité que par mon courage, j’ai relevé mes pointes de pieds pour l’embrasser. Sa bouche était chaude, sa barbe irritait ma peau, mais ce baiser me transportait malgré moi. Un éclat de tonnerre m’a fait revenir sur terre.

    - Rentrons, si tu le veux bien.

    Chapitre 3

    J’ai hoché la tête, il a attrapé ma main, et alors qu’il nous protégeait toujours avec son parapluie, nous avons repris le chemin de la grande bâtisse bleue inondée de lumière.

    Je grelottais de froid, mes vêtements étaient mouillés et je me sentais extrêmement honteuse de mon dernier acte. Mon portable s’est mis à sonner dans ma poche, c’était certainement Irvin, une boule s’est formée au creux de mon ventre.

    - Tout va bien bella, c’est la seconde fois que je t’appelle.

    - Oui… oui

    - Tu trembles ?

    - Je… je… suis mouillée…

    - Qu’est-ce que tu faisais ?

    - J’ai dû… courir chercher… Némésis sous la… pluie.

    - Va prendre une douche chaude, ça passera plus vite. Je t’aime.

    - Moi aussi, je… t’aime…

    Chapitre 3

    J’ai raccroché, Kieran avait disparu des parages, je n’ai même pas osé dire à Irvin qu’il n’était pas encore parti… Dans quel merdier je me foutais encore ?

    - Va prendre un bain, j’ai fait couler de l’eau chaude.

    Je l’ai regardé, choquée par sa gentillesse, il n’avait pas vraiment changé, il soufflait toujours le froid et le chaud, et on ne savait pas à quel Kieran se fier. J’ai marché à pas de fourmi jusque dans la salle de bain, la buée avait envahi la pièce, l’eau était chaude et parfumée à la fraise, ça faisait des années que je n’avais pas utilisé ces sels de bain.

    En quelques minutes, mon corps semblait s’être réchauffé, j’ai attrapé une serviette et je me suis enveloppée dans mon peignoir puis je suis sortie pour rejoindre la cuisine, me chercher un thé bien chaud. La maison était plongée dans le noir, sauf dans le salon, la lumière crépitait et le son distinctif de la cheminée était très clair. J’avançais précautionneusement vers l’endroit, Kieran était assis devant le feu, il était certainement en train de se réchauffer lui aussi, et étendu près de lui, Némésis paressait elle aussi. Il m’a vu et a tendu la main vers moi.

    - Viens t’asseoir, ça te réchauffera un peu.

    Chapitre 3

    C’est sûr que près de lui et de la cheminée, ce serait plus efficace que mon idée de me faire un thé. Cependant, je n’étais pas certaine de vouloir franchir ce pas.

    Soléa, je ne vais pas te mordre, c’est promis !

    Il a levé les yeux au ciel et je n’ai pas pu m’empêcher de rigoler. Je me suis baissée pour me mettre à côté de lui, mais il m’a attrapé pour me caler entre ses jambes, m’enserrant de ses bras nus. Je n’avais plus froid, j’étais bien, j’avais la sensation de revivre, jusqu’à ce que sa bouche commence à se promener dans ma nuque.

    Kieran, tu avais promis…

    - Oui, de ne pas te mordre, pas de t’embrasser. Tu sens les bonbons à la fraise et ça me donne toujours autant envie de te manger.

    - Arrête, je ne peux pas faire ça…

    Chapitre 3

    Je voulais me dégager de ses bras, mais il me serrait tellement fort que je n’arrivais pas à m’en défaire. Je m'apprêtai à râler, mais il a pris les devants.

    - Arrête de te débattre Soléa, j’arrête, reste, s’il te plaît…

    - Je ne sais pas si je peux te faire confiance.

    Il relâchait doucement son emprise et je restais assise devant lui, sans bouger, mais son aura m’enivrait et je sentais que je ne pourrais plus y résister bien longtemps. Même au bout de dix ans, il arrivait encore à faire de moi cette petite chose dopée à son pouvoir de séduction.

    - Je vais aller me coucher.

    J’avais peur qu’il ne veuille pas me laisser partir, au contraire, il n’a rien fait. Némésis s’est levée pour me suivre, comme à son habitude. Kieran se contentait juste de me regarder, la lueur de la cheminée le rendait encore plus beau. Je me suis mordue la lèvre inférieure pour éviter d’avoir envie de l’embrasser et je l’ai salué.

    - Bonne nuit Kieran.

    Chapitre 3

    Il ne m’a pas répondu et j’espérais sincèrement que mon regard ne m’avait pas trahi. La chienne a retrouvé son tapis pour s’y réfugier et moi, assise contre la porte, j’attrape mon portable pour me mettre un peu de musique, mon flow attaque avec une musique que je traîne depuis des années dans mes playlists« Je mourrais pour être là où tu es »« chaque nuit, je rêve que tu es toujours là »« quand je me réveille, tu disparais »… J’écoutais cette chanson en boucle pour lui, et aujourd’hui, il est dans la pièce d’à côté et je ne peux même pas aller le rejoindre.

    Ça fait mal. Mon cerveau me dicte une conduite à tenir, mais mon cœur voudrait suivre son propre chemin, un chemin semait d’embûches auquel il a déjà fait face il y a dix ans.

    À la fin de la musique, je coupe mon portable et je me lève, il faut que j’aille me coucher, ça ira mieux demain… Demain est un autre jour, et la nuit porte conseil…


     

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  • _Kieran.

    Mon plan était parfait sur le moment, faire croire à Soléa que maman allait rester toute seule et elle serait obligé de rester… Je voulais juste passer un peu de temps avec elle, sans son chien de garde, et je ne parle pas de son bull terrier, mais de son pitoyable petit-ami, l’ancien gothique. Sérieusement, une femme comme elle avec ce looser, j’aurais imaginé quelqu’un d’autre pour elle.

    Je devais juste renouer les liens et c’est tout, seulement je ne sais pas ce qu’il m’a pris d’agir de la sorte, mais l’entendre m’appeler « le grand méchant loup » m’a complètement mis hors service. Alors quand elle m’a ordonné de rester loin d’elle, qu’est-ce que j’étais censé faire ? Je me suis plié à sa volonté.

    Enfermé dans ma chambre toute la journée, avec un livre ou deux, je pourrais survivre jusqu’à ce qu’elle veuille bien me parler à nouveau. Mes prières ont presque été exaucées quand elle a toqué pour m’apporter de quoi manger, c’était mieux que rien, même si je savais pertinemment que c’était Alice qui l’avait envoyée là. J’ai quémandé sa présence, comme un animal affamé et elle est restée, toutefois, je ne savais pas quoi lui dire jusqu’à ce qu’elle brise le silence.

    - Tu n’es jamais revenu, donc je suppose que c’était bien ce que tu faisais.

    Chapitre 4

    Si elle savait, un tant soit peu ce que j’ai vécu depuis ces dernières années, elle ne dirait pas que « c’était bien », la guerre et les corps mutilés n'ont rien d’une partie de plaisir. Au début, c’était une punition pour moi de me retrouver là-bas et au fil du temps je me suis découvert. Moi, Kieran, l’arrogant de service, je trouvais qu’aider des gens était plus qu’indispensable pour moi. Évidemment, mon père ne voulait pas m’envoyer croupir dans les pays en guerre pour toujours, il voulait simplement nous séparer, nous prouver que tout ceci n’était qu’une simple mascarade, un jeu d’adolescents, alors que je savais que ce n’était pas le cas. Si je rentrais, je ne voudrais plus que la retrouver et c’était inconcevable, alors j’ai décidé de rester. Ces personnes avaient plus besoin de moi qu’elle, je ne pouvais lui attirer que des problèmes.

    C’était triste à dire, mais j’étais presque heureux de la disparition de mon père. J’avais toujours de la rancœur contre lui pour ce qu’il avait fait, car à la fin, ça n’avait prouvé que deux choses, que je l’avais dans la peau et que je serais torturé à vie de la savoir loin de moi… Quand nous nous parlions au téléphone, c’est-à-dire, très peu, la règle était simple, il ne devait jamais me parler d’elle, je refusais de savoir ce qu’elle était devenu et surtout par qui elle m’avait remplacé. Mon père a toujours respecté ça. Alors quand elle a dit « Je t’ai attendu, longtemps… » je me sentais un peu minable de n’avoir pensé qu’à moi tout ce temps, sans me dire qu’elle aussi pouvait souffrir de mon absence. Je la sentais aux bords des larmes quand elle s’est levée pour partir et comme toujours dans ce genre de situation, j’activais mon mécanisme.

    - Et bien, tu n’aurais pas dû.

    Chapitre 4

    Je me mordais les doigts d’avoir sorti cette réplique débile quand elle a claqué la porte brutalement. De nouveau sur mes deux pieds, je voulais la rattraper, mais qu’est-ce que j’allais lui dire ? Que j’étais désolé ? Je l’avais bien assez dit comme ça, alors je n’ai rien fait et je suis resté assis sur le bord de ma fenêtre.

    Quelques instants plus tard, je la voyais braver la tempête pour rejoindre la plage, elle était complètement fêlée, il faisait un froid de canard pendant cette période de l’année et avec la pluie qu’il tombait elle allait juste choper un rhume, au moins grave. Je suis descendu, j’ai attrapé un parapluie pour la rejoindre et la convaincre de rentrer avec moi.

    - Laisse-moi, je te dis, c’est ce que tu sais faire de mieux.

    Elle avait raison, c’est ce que je savais faire de mieux, mais pas cette fois. Le tonnerre s’est mis à gronder ce qui l’a poussé à se blottir contre moi, j’ai souri et l’instant d’après ses lèvres touchaient les miennes, c’était un simple baiser, mais j’y prenais goût jusqu’à ce qu’elle revienne à elle. Nous sommes rentrés, elle a sorti son portable de sa poche et par-dessus son épaule, je pouvais voir le nom « Irvin », je me suis éclipsé pour lui faire couler un bain chaud, je n’avais pas envie d’écouter sa conversation. J’ai ajouté des sels de bain à la fraise, en souvenir du bon vieux temps.

    Chapitre 4

    Pendant ce temps, je m’attelais à la tâche, faire du feu dans la cheminée, rien de mieux pour se réchauffer. J’ai retiré mon haut, profitant complètement de la chaleur des flammes et Némésis est venue se coucher près de moi. Sa maîtresse n’a pas tardé à pointer le bout de son nez aussi.

    Elle ne semblait pas convaincue et je pouvais la comprendre parfaitement, elle m’a finalement rejoint et je l’ai positionné devant moi. Elle sentait ce même parfum qu’il y a dix ans, un parfum sucré de fraise, j'essayai de respirer son odeur discrètement, mais ma bouche, cette indisciplinée, en voulait davantage. Pour finir, elle s’est levée et m’a souhaité une bonne nuit, pourtant son regard et sa bouche me disait tout le contraire.

    Il m’a fallu quelques secondes pour me lever et rejoindre sa porte, je m’apprêtais à entrer, mais j’ai entendu sa musique, je me suis assis contre le bois et j’ai écouté « Je mourrais pour être là où tu es »« chaque nuit, je rêve que tu es toujours là »« quand je me réveille, tu disparais »… elle pouvait dire ce qu’elle voulait, elle ne m’avait pas oublié, pas même après tout ce temps. La musique s’est arrêtée, je me suis relevé et je suis entré dans sa chambre.

    Chapitre 4

    Sans lui laisser le temps de calculer, je l’ai attrapé pour l’embrasser, elle n’a même pas essayé de me repousser, mes lèvres retrouvaient les siennes profondément, ma langue se frayait un chemin pour atteindre celle de Soléa. Mon cœur battait à tout rompre, j’avais peur qu’elle me repousse, pourtant je me suis quand même interrompu.

    - Dis-moi d’arrêter et je le ferais Soléa

    - Ne me laisse pas réfléchir, s’il te plaît, continue…

    C’était mal et je le savais, mais je n’étais plus qu’un être dicté par ses profonds désirs. J’ai continué de l’embrasser, comme si ma vie en dépendait, pendant de longues minutes puis j’ai entrepris de la défaire de son peignoir. Ses seins nus contre mon torse me réchauffaient, m’enfiévraient, mes mains voulaient caresser les moindres recoins de sa peau douce et ma bouche en embrasser la moindre parcelle. Mes lèvres ont quitté les siennes pour descendre petit à petit, traversant la vallée séparant sa poitrine, faisant une petite pause au centre de son ventre et finissant leur trajectoire sur son pubis. Doucement, j’ai baissé la petite culotte qui faisait encore barrière entre nous et ma langue a pris le relais sur mes lèvres pour flatter cette petite friandise nichée au creux de ses cuisses.

    Chapitre 4

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    Elle se cambrait, ses mains dans mes cheveux, elle retenait ses cris, c’était frustrant, mais tellement excitant. Elle a fini par trembler de plaisir avant de me rejoindre sur le sol, collant sa bouche à la mienne, mes doigts comblaient de nouveau son fourreau moite et j’aspirais ses gémissements avec mes baisers.

    Ses doigts cherchaient à me débarrasser de ce qu’il me restait sur le dos, je me suis relevé pour l’aider, et à genoux devant moi, c’était une belle vision coquine que j’avais de Soléa, elle a saisis ma verge à pleine main et la petite flamme que j’ai vu passer dans ses yeux me disait qu’elle prenait autant de plaisir que moi. Les mouvements de sa langue et de sa bouche faisaient monter mon excitation à son paroxysme.

    Je l’ai attrapé pour la faire remonter jusqu’à moi, je lui ai volé un énième baiser avant de la faire pivoter et de la coller contre la porte. Il était hors de question pour moi de lui faire l’amour dans ce lit qu’elle avait partagé avec l’autre blaireau. Remontant sa jambe droite, ma langue léchait sa nuque, pendant que mes doigts atteignaient de nouveau son petit sanctuaire.

    Kieran, c’est tellement bon, ne t’arrête pas, je t’en prie.

    Chapitre 4

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    J’étais enragé, incapable de me contrôler, j’ai attrapé sa seconde jambe qu’elle a enroulée autour de mon bassin et je l’ai pénétré brusquement, lui laissant échapper un cri, qui n’avait rien à voir avec la douleur. J’allais et venais en elle comme si je voulais récupérer le temps que nous avions perdus, le temps qu’elle m’avait manqué. Je la sentais se contracter, elle recherchait ma bouche et elle a joui si violemment qu’elle m’a entraîné dans sa descente.

    Nous continuions de nous embrasser jusqu’à ce que je me retire d’elle, dans ma frénésie, j’en avais complètement oublié le principal, je ne faisais jamais cette erreur de petit nouveau. J’ai vu le regard de Soléa, mais ni elle, ni moi n’avions envie de parler. Dans la salle de bain, je suis allé chercher un gant que j’ai passé entre ses jambes, l’embrassant en même temps, je voulais me raccrocher à ce moment encore un peu. Je me suis débarrassé du tissu imbibé de ma semence dans la panière à linge et quand je suis revenu elle avait de nouveau sa petite culotte. J’ai passé mon boxer et je l’ai attrapé pour embrasser son cou, sa bouche, l’entrainant doucement vers le sol. Je ne voulais pas partir comme ça, pas tout de suite, on s’est allongés tous les deux, reprenant notre souffle, la main de ma jolie blonde caressait doucement mon visage marqué par les évènements douloureux que j’avais traversé puis elle s’est endormie.

    Chapitre 4

    J’ai attendu un moment, qu’elle dorme profondément, ensuite, je l’ai porté jusqu’au lit, la bordant de sa couette pour qu’elle n’attrape pas froid. J’ai caressé sa joue toute douce et déposé un baiser sur ses lèvres avant de ramasser mes affaires puis de monter dans ma chambre.

    La situation était assez compliquée, au réveil, elle risquait d’avoir de sérieux remords et je n’avais pas envie de lui imposer ma présence pendant ses réflexions. J’ai pris une douche avant de me retrouver sur mon lit.

    Je repensais encore à la dernière heure qui venait de s’écouler, j’avais connu d’autres femmes bien après Soléa, mais jamais je n’avais réussi à trouver quelqu’un avec qui mon corps et mon esprit se sentaient en parfaite alchimie. Au bout de dix ans, elle me faisait encore cet effet. Je la voulais pour moi seul et je crois que je n’y survivrais pas si je devais la perdre encore une fois. Je refusais d’y penser. Je me suis tourné sur le côté et je me suis endormi à mon tour.


     

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  • Le jour qui se levait m’a tiré du sommeil, j’ai tourné la tête et mon lit était vide, Kieran n’avait visiblement pas dormi avec moi. Je me suis levée pour prendre une douche, dans le miroir, mon corps me reflétait l’égarement que j’avais eu hier soir. Ma peau était rougie çà et là et mon intimité était encore douloureuse. Qu’est-ce qu’il m’avait pris bon sang ?

    Je suis sortie à pas de loup de peur de le croiser, c’était vraiment malin, qu’est-ce qui n’allait pas chez moi ? J’avais Irvin, il était parfait en tous points, attentionné et toujours là depuis plus de dix ans et je venais de tout foutre en l’air en l’espace d’une seule nuit. 

    Ma mère était dans la cuisine en train de nettoyer, elle faisait toujours ça pour oublier. Aujourd’hui, pour changer, il faisait beau, enfin, c’était nuageux, mais heureusement la pluie avait cessé. 

    - Tiens ma chérie, tu as bien dormi ?

    Elle me souriait bizarrement, je devenais complètement parano, est-ce qu’elle avait pu m’entendre ? J’ai pourtant essayé de ne pas faire de bruit, mais avec Kieran… ces pensées m’ont provoqué un frisson incontrôlé.

    Chapitre 5

    - Oui, on peut dire ça, j’ai eu un peu froid cette nuit.

    C’était un énorme mensonge, mon corps s’était transformé en torche humaine sous l’effet de Kieran, j’aurais pu mettre le feu à la moquette, si j’avais pu le faire.

    - Tu sais où est Kieran ?

    - Oui il est parti tout à l’heure.

    Parti ? Comment ça parti ? Il n’allait pas me refaire ce coup-là ? Pas maintenant, pas après ce qu’il vient de se passer… La panique commençait à m’envahir, Némésis est venu gratter à mes jambes, elle voulait sortir. 

    - Tu sais si… est-ce qu’il va revenir ?

    - Oh oui, il a dit qu’il avait juste besoin de prendre un peu l’air. 

    Ma pression redescendait peu à peu, elle m’avait vraiment fait peur. Je l’ai mieux regardé, elle avait une mine fatiguée, elle était si triste. 

    Chapitre 5

    - Tu ne veux pas aller te reposer un peu maman ?

    - Si je reste encore allongée une seule minute, je vais finir par tuer quelqu’un ! 

    - D’accord, d’accord ! Comme tu voudras, n’oublie pas que je suis là si tu as besoin.

    - Toi, n’oublie pas que je suis là, si tu as besoin !

    Je le savais bien, pourquoi me le rappelait-elle maintenant ? J’ai pris de quoi petit-déjeuner et après ça, je me suis réfugiée dans le bureau. D’habitude, je m’abandonnais totalement à ma lecture, mais là, je n’y arrivais pas, la mi-journée était arrivée et il n’était toujours pas rentré, il fallait qu’on parle. J’ai arrêté de m’acharner sur mon bouquin et je suis sortie préparer de quoi manger avec ma mère. 

    - Tout va bien mon ange ? Tu as l’air ailleurs ?

    - Quoi ? Oui, je vais bien… 

    Cette situation allait me rendre folle, si je disais à ma mère ce que j’avais fait, elle ne s’en remettrait pas, elle m’en voudrait tellement… qu’est-ce qu’elle penserait de sa petite fille chérie bien sage ? Je ne voulais pas la décevoir. 

    Chapitre 5

    Kieran a fini par rentrer à dix-sept heures, bon sang, mais c’était plus prendre l’air à ce niveau, j’ai cru qu’il avait pris le large. Il nous a retrouvées dans le salon, l’atmosphère était lourde et chargé de non-dit. Ma mère s’est levée et s’est excusée auprès de nous, elle avait besoin de se reposer. 

    Je me trouvais seule avec Kieran, et maintenant, je ne savais plus quoi dire. Il me regardait fixement avec ses deux émeraudes, c’était trop troublant.

    - Je prends la pilule, au cas où ça t’intéresserait.

    C’est le seul truc que j’ai trouvé à dire et c’était nase, j’aurais pu commencer la discussion par quelque chose de plus pertinent, qu’elle idiote. 

    - Et moi, j’suis clean.

    - Bien !

    - Bien !

    Il s’est levé sans en dire plus, où est-ce qu’il allait encore ? Nous n’avions pas encore commencé à nous expliquer, la panique a commencé à me reprendre.

    Chapitre 5

    - Où tu vas ?

    - Dans ma chambre.

    - Quoi ? Non, on doit parler Kieran…

    - Tu peux venir si tu veux.

    - Non, non, non, arrête, je ne peux pas faire ça et tu le sais très bien.

    - Faire quoi Soléa ?

    - Coucher avec toi…

    J’ai chuchoté comme une adolescente qui racontait un secret, il a souri, mais la situation n’était pas drôle du tout.

    - J'ai cru que tu m’avais encore abandonné ce matin… 

    La tristesse a dû se lire sur mon visage, car il s’est avancé vers moi et a touché ma joue, son contact m’a animé d’une douce chaleur au cœur et il m’a immédiatement embrassé.

    Chapitre 5

    - Je ne pars pas. Si quelqu’un part, ce ne sera pas moi Soléa, je te le promets. Je voulais juste te laisser de l’espace, que tu puisses réfléchir sans devoir m’affronter au réveil.

    Il était juste attentionné, il avait grandi en fait, il n’avait pas que garder son âme d’adolescent, il était devenu aussi un homme, un homme sexy, un homme attentif, un homme que j’avais envie d’avoir. Il m’a relâché pour partir, mais je ne pouvais pas le suivre. Je l’ai retenu par le bras, il s’est arrêté de marcher.

    - Viens avec moi, s’il te plaît, Kieran.

    Il était silencieux et immobile, attendant quelque chose, alors j’ai continué.

    - Marcher avec moi et Ném’, tranquillement… 

    - D’accord, si tu veux.  

    Souriante, j’étais contente de l’avoir toujours à mes côtés, même si c’était pour promener le chien. Bien que la promenade n’était juste qu’un prétexte pour être avec lui sans pour autant être isolés, parce que je savais que je risquais de faire encore des conneries. 

    Chapitre 5

    J’ai enfilé un manteau et nous sommes sortis, Némésis était contente d’aller en balade. Mais j’étais toujours aussi tendue, je devais lui dire. Il devait savoir qu’on ne pouvait pas recommencer ça et que c’était une erreur. Je ne pouvais pas faire ça à Irvin. Nous étions arrivés sur le petit hangar à bateaux et la chienne furetait dans le coin.

    - Écoutes Kieran, on ne peut pas et on ne doit plus faire ça. Je me sens terriblement mal, je ne peux pas faire ça à Irvin…

    Il ne semblait pas m’écouter, on aurait dit qu’il était ailleurs, je voulais lui mettre une paire de claques. Je prenais déjà sur moi pour lui parler et il s’en foutait, ça avait le don de m’énerver.

    - Tu m’écoutes ?

    - Tu l’aimes ?

    - Quoi ?

    - Ton mec, tu l’aimes ?

    - Bien sûr quelle question. 

    Chapitre 5

    Où voulait-il en venir avec cette question idiote ? Bien sûr que j’aimais Irvin, il était un pilier dans ma vie, surtout depuis que mon amie Nyx avait, elle aussi, quitté la région et avait fini par disparaître de mon existence. Parfois, je me demandais encore ce qu’elle avait bien pu devenir, j’espérais sincèrement qu’elle était heureuse. 

    - Alors tant mieux si tu l’aimes, nous deux, c’était juste une erreur, comme il y a dix ans. Pour Charmant, tu seras toujours sa petite princesse parfaite, vous allez former un merveilleux couple tous les deux. 

    J’étais complètement muette, la méchanceté qu’il y avait dans sa voix me donnait froid dans le dos, je ne le reconnaissais plus, il y avait, à peine un instant, il semblait si prévenant.

    - Ah et au fait, je t’ai menti, je pars dans deux jours, on a besoin de moi sur un camp. 

    Il n’a rien ajouté de plus et il s’est sauvé en direction de la maison, Némésis l’a suivi, ils m’ont laissé seule, avec mes pensées noires. 

    Chapitre 5

    Quel connard, quand je repense à ce qu’il vient de me cracher au visage, je n’en reviens pas. Qui m’a abandonné il y a dix ans ? Qui va encore partir comme le lâche qu’il est ? Je ne pouvais décidément pas être avec quelqu’un qui changeait d’avis comme de chemise et qui ne savait pas ce qu’il voulait. 

    Une erreur, exactement, c’était une erreur, une monstrueuse et regrettable erreur que je ne referais plus jamais. De toute façon, il allait partir dans deux jours et je ne le reverrais plus jamais et cela n’allait pas me faire de mal, c’était certain.

    J’ai relevé les épaules et j’ai commencé à marcher, résolue dans les choix que j’avais à faire et je suis rentrée. 


     

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