Quand je suis partie ce matin, Kieran dormait encore. Il faut dire que je l’avais épuisé la nuit dernière, j’ai moi-même eu du mal à me lever, mais repenser à ses caresses me redonnait du pep’s. Il n’était peut-être toujours pas le Kieran d’avant, mais il était toujours en vie et près de moi et Jayden, je ne pouvais rien demander de mieux. 

J’avais passé une grosse journée, les gens s’arrachaient mes compositions pour aller fleurir les tombes de leurs défunts parents ou amis. C’est le cœur lourd que je savais que je n’aurais pas le temps de le faire aujourd’hui, mais que demain, j’irais fleurir la tombe de mon père et de mon beau-père. Kieran m’accompagnerait peut-être… il n’aimait pas trop évoquer Sam et sa disparition, chacun réagissait à sa manière face à la mort. 

Il faisait nuit, froid et la pluie commençait à tomber quand je suis arrivée à la maison, elle était plongée dans le noir et pas un bruit ne venait casser ce silence angoissant. J’ai allumé les lumières et Némésis s’est levée de son panier pour venir se faire câliner. 

- Les garçons, vous êtes là-haut ? Je suis désolée, je n’ai pas vu l’heure passer.

La seule réponse qui est parvenue à mes oreilles était la roue du hamster. Un faible frisson s’est emparé de moi. Je m’apprêtais à monter, après m’être débarrassée de ma veste, quand deux mains chaudes sont apparues sur mes yeux. Je reconnaissais le parfum de Kieran, et pourtant cela ne m’a pas empêché de légèrement sursauter.

- Devine qui c’est ! 

- Kieran ! À quoi tu joues ? Tu m’as fait peur. Où est Jayden ?

- Il dort ! 

Il avait toujours ses mains posées sur mes yeux, je me demandais ce qui pouvait bien lui arriver tout à coup. 

- Tu comptes me relâcher un jour ? 

- Si je te relâche, tu promets de rester sage et de ne pas te retourner ?

Je me suis mise à rigoler ! Tout ceci n’avait aucun sens, mais je me laissais embarquer dans le petit jeu auquel il voulait jouer.

- Promis !

Il a baissé les mains et a encerclé ma taille avec douceur, il a soupiré avant de parler.

- J’ai pleins de choses à te dire Soléa, je ne sais pas par où commencer…

Un léger vent de panique a parcouru mes veines et puis j’ai repris confiance en moi, ce qu’il avait à me dire ne devait pas être si terrible.

- Commence par le début alors ! 

- Je voulais te dire merci ! Merci pour t’être occupé de moi sans avoir bronché alors que j’étais un imbécile d’adolescent incapable de faire autre chose que de te blesser. Merci de ne pas m’avoir abandonné. Merci pour Jayden, il est si parfait, si attendrissant, si aimant… un véritable bonheur au quotidien, je ne pensais pas que c’était possible. Merci d’être toi, douce et merveilleuse…

- Kieran arrête, tu me fais pleurer… 

Les larmes coulaient sur mon visage sans retenue, ce qu’il disait était beau et j’avais presque l’impression qu’il était en train de me faire ses adieux, ça m’a déchiré le cœur. 

- Ce n’est pas grave si ce sont des larmes de bonheur ! 

- Je ne sais pas, tu es en train de me dire au revoir là ?

- Quoi ? Pas du tout ! Je veux juste te dire que je t’aime Soléa !

Mon cœur a explosé dans ma cage thoracique et les sanglots se faisaient plus denses. J’ai voulu me retourner pour l’embrasser, mais il m’en a empêché. 

- Je n’ai pas fini impatiente ! Si je te laisse te retourner, tu garderas tes yeux fermés ?

J’ai secoué la tête pour un oui et j’ai fermé les yeux. Je pensais que ses lèvres allaient rejoindre les miennes, au lieu de ça, il me câlinait et a saisi mon bras de façon à me faire tanguer dans un balancement lent de la gauche vers la droite qu’il faisait avec ses pieds. 

- Beaucoup de choses me sont revenues en mémoire ses dernières semaines, je ne t’en ai pas parlé parce qu’aucun de ses souvenirs me rappelait que je t’avais aimé… et je ne voulais pas te faire de peine, mais en réalité, je n’avais pas besoin de ça pour t’aimer à nouveau, j’avais juste besoin de toi. 

- Je t’aime aussi, tellement… je suis désolée de ce qu’il t’est arrivé, tout ça c’est de ma faute… 

- Ne dis pas de bêtises ! J’aurais dû tenir tête à mon père et revenir pour toi tout ceci ne serait jamais arrivé et on vivrait heureux depuis longtemps déjà, au lieu de quoi, notre vie est un véritable roman à sensation. 

Il a doucement embrassé ma tempe tout en continuant à me faire danser.

- Tu peux ouvrir les yeux si tu veux ! 

Ma vue était légèrement floutée à cause de mes larmes que j’ai essuyé d’un revers de main, j’ai cligné des yeux pendant une demie seconde avant de pouvoir parler.

- Tes cheveux ! Tu as coupé tes cheveux !

- Je viens de lui dire que je l’aime et elle me parle de mes cheveux ! Tu es la femme la plus incroyable que je connaisse !

- Tu les as coupés comme quand… 

- Comme quand j’étais tout simplement moi ! Parce que peu importe ce qu’il m’arrivera, Soléa, Soléa, mon soleil, il n’y a que toi…. 

J’ai dû avoir l’air d’une imbécile à le fixer comme s’il avait un troisième œil. Et puis j’ai compris.

- Tu as retrouvé ta mémoire ? Tu te souviens de tout ? 

- Oui ! Ce matin au réveil, pouf, comme un éclair de génie ! 

- Oh mon dieu, c’est toi, c’est réellement toi…

Je lui ai sauté dessus en le serrant fort dans mes bras, il était de retour, celui avec qui j’avais traversé un tas d’épreuves, il se souvenait enfin de notre histoire.

- Doucement, tu vas m’asphyxier à me serrer si fort ! 

- Pardon !  

Ma bouche a trouvé la sienne, passionnément, brutalement, comme s’il revenait d’une longue mission alors qu’il y a à peine 24h j’étais dans ses bras, en sueur et pantelante. J’avais envie de recommencer. Je l’ai traîné jusqu’au canapé.

- Tu en veux encore ? La nuit dernière ne t’a pas suffi ? 

- Ce n’était pas toi…

- Ça a toujours été moi mon soleil ! Mais tu sais que je ne peux rien te refuser !

Il m’a fait basculer sur les coussins avant de voler mes lèvres amoureusement puis de picorer mon cou férocement. 

- Je t’en supplie ne me laisse plus jamais…

- Jamais mon soleil… 

Savoir qu’il était de nouveau lui m’enflammer plus que de raison, j’étais de nouveau une véritable torche humaine, prête à mettre le feu à toute la maison.

Je me suis retrouvée nue sous son regard de braise et je me sentais gênée… avant il ne se souvenait plus de moi, maintenant il pouvait comparer ce que mon corps était devenu.

- Reviens avec moi, Soléa ! À quoi tu penses ?

- Rien, c’est juste que maintenant, tu peux mesurer l’ampleur des dégâts sur mon corps…

- Et tu as honte ? 

Je n’ai pas répondu, je n’avais pas spécialement honte, j’étais juste gênée…

- Est-ce que tu as honte de m’avoir donné un fils ? 

- Bien sûr que non ! 

- Alors, n’est pas honte que ton corps ait changé, il est parfait comme il est, il te rappelle l’amour qu’on se porte, assez pour construire notre propre famille ! Et crois-moi mon soleil, je suis prêt à te faire d’autres enfants !

J’ai souri, il était parfait, si réconfortant. L’instant d’après, tout était oublié, la bouche de Kieran faisait encore des merveilles sur mon corps jusqu’à m’en faire perdre la tête.

Dans ses bras, alors qu’il me ramenait à notre chambre, je profitais de sa douce chaleur. Il m’a posé sur le lit et nous nous enlacions amoureusement. Main dans la main, les yeux dans les yeux, j’étais sur mon petit nuage.

- Je t’aime Soleil ! 

- Je t’aime aussi Kieran ! 

Alors que nous nous apprêtions à nous endormir, bercer par la douce euphorie de l’orgasme, la petite voix triste de Jayden est parvenu jusqu’à nous. J’ai rouvert les yeux et j’ai balancé dans un soupir de fatigue :

- Je t’assure qu’on va attendre un petit moment avant de faire d’autres gosses ! 

Kieran a rigolé, bien que ce ne fût pas une blague. Je me suis levée et j’ai enfilé un peignoir pour aller calmer notre bout de chou. Dans l’embrasure de la porte de sa chambre, Kieran nous regardait avant de nous rejoindre. Passant ses deux bras autour de nous, nous étions enfin une famille complète et heureuse. 

FIN.

Je vous invite à lire l'épilogue et les remerciements !